Vous connaissez forcément les « Ghost Signs » (littéralement en anglais, les panneaux fantômes). Ce sont les vestiges d’enseignes publicitaires ou enseignes de commerce depuis longtemps disparues qui semblent affleurer à la surface des murs de nos villes pour peu que le promeneur attentif  lève la tête.

Ces témoignages d’un passé de petits (ou grands) commerces et d’enseignes publicitaires de marques au charme rétro, offrent une vision de la ville par superposition. Les passionnés arpentent les rues des villes de Paris, Londres ou Montréal, à la recherche de leur présence, à la manière d’un archéologue collectionneur.
On voit aujourd’hui émerger un courant d’illustrateurs et typographes qui  célèbrent ces “ghost signs », s’en inspirent et les réinterprétent dans leur créations ou parfois justement sur les murs de nos villes.

Quelques mots d’histoire

Ces enseignes ont vu le jour au XIXe siècle, avec le développement massif des villes. Elles étaient le moyen principal de publicité pour les commerces et surtout pour les marques qui faisaient leur apparition en ce siècle de bouleversement industriel.

Si aujourd’hui nous portons un regard attendri sur ces enseignes, cela n’a pas toujours été le cas. Elles étaient omniprésentes sur les murs des villes, notamment à Paris sur la première moitié du XXe siècle. Une loi a même été votée en 1943 pour lutter contre leur prolifération, en leur imposant des contraintes de taille. 

Peintes à la main sur les murs, elles ont survécu grâce au plomb présent dans la peinture à base d’huile, ce qui a permis une forte adhésion à la maçonnerie et qui a permis de résister aux intempéries, au temps et parfois à l’urbanisation…

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Ghost sign graphique Little Venice

Quartier Little Venice Londres – archives personnelles

La balade urbaine

Le philosophe Guy Debord a travaillé sur l’idée de dérive urbaine et fondé le concept de psychogéographie, qui explore la manière dont l’environnement urbain affecte nos émotions et nos comportements. Debord affirmait que l’errance dans la ville permettait une expérience plus authentique et une meilleure compréhension de son essence.
Dans une certaine mesure,  l’émergence par moments et par endroits de ces morceaux d’histoires populaires, contribuent à l’expérience.

De la même manière, Patrick Modiano qui a centré son œuvre sur la mémoire et l’oubli nous parle de la ville, la sienne : Paris «  et des souvenirs  qui apparaissent par couches successives comme si on pouvait déchiffrer les écritures superposées d’un palimpseste. «  Exactement à la façon dont ces peintures ont recouvert d’autres plus anciennes et ont été recouvertes à leur tour.

Car ces signes encore visibles mais en partie effacés et qui surgissent parfois majestueux sur le pignon d’un immeuble témoignent de changement sociaux, économiques, culturels qui façonnent les villes et re-qualifient les espaces, principalement dans les capitales ou la pression immobilière a redéfini presque entièrement les quartiers et leurs usages.

Publicité peinte Paris

Pignon Parisien
messy messy cabinet de curiosités

Enseignes Paris

Enseigne Commerce Paris 10°
Archive personnelle

Bébé Cadum

Enseigne restaurée Boulevard Montmartre
“Tu Paris combien ?”

Préserver

De nombreux efforts sont déployés par des collectifs d’artistes ou de bénévoles qui restaurent et préservent ces enseignes, organisent des visites guidées, tandis que d’autres, dans une démarche historique, les documentent en rendant hommage à la fois aux artistes et à une histoire populaire, en traitant ces enseignes comme de véritables vestiges emprunt de poésie doucement nostalgique.

La culture graphique

Les Ghost Signs sont des trésors pour les amoureux de la typographie et du design. Le choix des polices de caractères, la mise en page, l’utilisation de l’espace, les couleurs et les ornements sont autant d’éléments qui font  d’eux une véritable source d’inspiration graphique. Les designers graphiques et les illustrateurs se tournent vers ces enseignes pour y puiser l’inspiration dans un esprit vintage. Cela se traduit par une résurgence de l’intérêt pour les polices de caractères rétro et les compositions visuelles vintage.

Les ghost sign aujourd’hui pour demain

La contribution contemporaine de nouveaux graphistes peintres en lettres qui ont embrassé l’héritage de ces enseignes fantômes est croissante. Je vous invite à découvrir des artistes tels que Etienne Renard  qui fait revivre l’art traditionnel de la peinture en lettres. Le travail de Alexis Fidelin ou encore le travail de Rachel et Milar .

Mais mes préférés, ce sont les frères Tocqué qui enchantent l’espace urbain avec des compositions drôles, touchantes très colorées en habillant les murs des lieux parmi les plus disgracieux et les moins propices à la poésie urbaine, comme le pont de la porte de Saint-Ouen à Paris.

Ces artistes contemporains captent l’essence des ghost signs et les ré-inventent avec leur propre style, ajoutant ainsi de nouvelles couches à l’histoire visuelle des villes. Leurs créations sont des ponts entre les époques, reliant dans notre imagiaire, les rues d’autrefois aux rues d’aujourd’hui.

Si vous aimez arpenter les rues pour le simple plaisir de la promenade, pensez à lever les yeux, ils sont encore nombreux ces signes et si vous êtes particulièrement sensibles à la typographie, au design graphique et à l’esprit vintage, vous serez comblés par vos trouvailles.

Etienne Re

Création Etienne Renard

Alexis Fidelin

Création Alexis Fidelin

Tocque Freères

Un création de Tocque Frères

Parmi les ressources qui m’ont aidées à écrire cet article, il y a particulièrement, l’excellent ouvrage : Ghost Signs: A London Story

Le livre propose une sélection d’enseignes londonienne parmi les plus impressionnantes. Elles sont géolocalisées et accompagnées d’images d’archives.  Le livre explique aussi comment ces enseignes ont été créées, restaurées et conservées.

Voici un extrait en vidéo de ce livre, ainsi que le compte Instagram des auteurs.

Livre Ghosts signs a story of London

Les références à Guy Debord et Patrick Modiano dont la citation est extraite de son discours prononcé lors de la remise du Prix Nobel de Littérature en 2014, n’engagent que moi.

Les références aux artistes contemporains sont le fait d’une veille graphique compulsive et le choix du sujet est le fait de passions combinées pour les villes, la typographie et le design.

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